Le Petit Cephalophore

lundi, février 27, 2006

L'autorité de la Parole. (Dernière homélie du Père Guéguen).

Lectures : Dt 18, 15-20, Ps 94, 1 Co 7, 32-35, Mc 1, 21-28. (Homélie dominicale du 29 janvier 2006, messe de 11 heures). Ce passage est la première scène de l’Evangile de Marc où l’on voit l’impact de Jésus sur les foules : il enseigne avec autorité. La semaine dernière, cette autorité se laissait deviner avec l’appel efficace des premiers disciples. Mais le mot même d’autorité n’était pas employé. Pourquoi ? Sans doute parce que c’est un mot piégé. À quoi sert l’autorité ? À faire grandir ou à écraser ? À sauver ou à perdre ? C’est peut-être la raison pour laquelle Marc ne nous dit rien de ce que Jésus enseignait. Un homme, dans l’assemblée, intervient, qui pointe le problème. Marc nous prévient : il a un esprit impur. Sans doute est-ce pour nous rendre attentifs à ses propos, discerner dans ce qu’il dit son impureté. Mais n’allons pas trop vite ! Contentons-nous d’être de cette assemblée, de laquelle se lève un contradicteur. Il a un esprit impur, mais l’assemblée ne le sait pas. Un esprit ne se voit pas. Que celui ici qui a vu un esprit se manifeste ! L’intervention produit un choc, c’est sûr, on n’aime pas les perturbateurs. Si quelqu’un ici contestait ce que je suis en train de dire, tout le monde se sentirait mal à l’aise, moi le premier. Mais en même temps, on peut être sensible aux propos de cet homme, dans la mesure où il exprime un sentiment diffus chez beaucoup. Après tout, n’est-il pas d’ici, de Capharnaüm ? Jésus, lui, est d’ailleurs, de Nazareth : il n’est pas de chez nous ! Et ce qu’il dit n’est-il pas raisonnable ? Même le « es-tu venu pour nous perdre ? » car c’est une question, et une question légitime : Jésus ne propose-t-il pas, en définitive, un idéal inaccessible ? Une sainteté sans nous donner les moyens de la rejoindre ? Un idéal enfermant, plus que libérant ? N’allons pas trop vite, car si nous savons que cet homme a un esprit impur, il nous est difficile de discerner dans ses paroles son impureté. Comme si, en un sens, nous participions de cette impureté, incapables que nous sommes de l’identifier, faisant corps avec cet homme finalement, pas mécontents qu’un contradicteur assume la part de contradiction qui sommeille en chacun de nous, face à Jésus. Comment Jésus réagit-il ? Comment se manifeste son autorité ? Face au volubile, il répond en deux mots, qu’on pourrait traduire : « Chut ! Dehors ! » pour rendre l’économie de sa parole. Tout de même, il est plus précis : « sors de lui ! ». Jésus divise, il est venu pour diviser. Non pas l’homme avec lui-même, ni l’homme et la femme, ni la famille, ce qu’il divise, c’est l’unité que voudrait l’esprit impur avec l’homme. « Sors de lui ! ». L’esprit impur sort, avec cette violence qui le caractérise, son inhumanité, violence qui du même coup rend la foule capable d’en reconnaître la présence. Jésus divise pour rassembler cette foule qui avait commencé à faire, vis-à-vis de lui, un pas en arrière. Elle se retrouve unifiée dans la confession de son autorité, une autorité désormais concrète, presque tangible : « il est capable de chasser les esprits impurs! » et la rumeur se répand à son propos dans toute la Galilée. Et tous viendront vers lui, démoniaques et malades, car il possède cette autorité qui délivre l’homme de ce qui le handicape, de ce qui infeste sa vie. L’autorité de Jésus est avant tout une autorité de parole. Pas de geste ici, seuls deux mots suffisent à chasser l’intrus. Comme autrefois Moïse avait annoncé que, de génération en génération, Dieu serait présent au peuple d’Israël, suscitant en son sein un prophète comme lui. Une autorité qui est celle de la parole de Dieu, capable de transformer nos mots les plus ordinaires. « Chut ! Dehors ! » rien de plus banal que ces mots, et pourtant tout est dit. Jésus s’y exprime autant que s’il dévoilait les plus grands mystères. Car ce qui transparaît dans ces mots, c’est lui-même : une vie tout entière pour la parole de Dieu, une parole qui est sa vie même. S’en écarter pour lui, c’est mourir. Quand Moïse promettait un prophète comme lui pour assister le peuple d’Israël, il n’imaginait pas à quel point Dieu exaucerait ses paroles. Et nous non plus ! Car Jésus est venu, exauçant Moïse et le peuple d’Israël au-delà de ce qu’ils espéraient, transformant en particulier le mode de présence qu’ils envisageaient. Dieu n’est plus simplement présent dans un prophète, extérieur à nous-mêmes. Mais il est présent en chacun de nous, exerçant son autorité sur tout ce qui nous handicape, nous rabaisse et nous lie. Par le baptême, nous avons été plongés dans le Christ, nous sommes devenus un avec lui, prophètes comme lui, prêtres aussi, et rois. Chacun d’entre nous, en raison de son baptême, a l’autorité de Jésus, une autorité qui n’est pour abaisser mais pour faire grandir, pas pour perdre mais pour sauver. Peut-être doutons-nous encore de notre capa­cité à chasser les esprits impurs… Mais cette autorité est celle de la Parole de Dieu, et notre rôle à nous est de développer l’attitude intérieure permettant à la Parole de faire le ménage autour de nous, et en nous aussi. Rassemblés autour de l’autel, nous reprenons conscience de cette présence intérieure. Le geste d’assimiler, de manger et de boire, est une parabole de cette présence, qui croît à la mesure de notre communion à Jésus. Tous, par notre baptême, nous sommes porteurs de Jésus, de son autorité. Les uns pour les autres. C’est ce que j’ai découvert ici. De Saint-Denys, on souligne souvent la qualité des relations, la chaleur. Restez-y quelques instants, vous serez intégrés. Ici on ne se regarde pas comme des étrangers, mais comme des amis, comme des frères. Ce pourrait être le fruit de bonnes natures ou d’éducations bien faites. Mais non ! L’amitié à Saint-Denys n’est pas d’abord naturelle, mais surnaturelle : sa source, c’est le Christ. Que sa parole résonne, et que chacun d’entre nous ait à cœur de l’entendre. Elle est pour lui, elle transforme son cœur, il aide ainsi toute la communauté à vivre davantage de façon fraternelle. Les uns pour les autres, c’est ce dont je veux témoigner. Prêtre, je le suis par grâce de Dieu. Mais votre amitié, votre chaleur, votre exigence aussi me l’ont fait devenir davantage. Je rends grâce à Saint-Denys pour ce que j’ai reçu ici, au Seigneur pour vous tous de Saint-Denys qui me donnent de continuer à porter la Bonne Nouvelle de Jésus.


 

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