Le Petit Cephalophore

mercredi, mars 22, 2006

Les pélerins d'Emmaus.

Un écho de la dernière rencontre du "groupe littéraire" de Saint-Denys qui a associé littérature, peinture et spiritualité autour de la lecture d'extraits du très bel ouvrage de Sylvie Germain, "Mourir un peu", aux éditions Desclée de Brouwer en contemplant une reproduction du chef d'oeuvre de Rembrandt (1609-1669), "Le repas d'Emmaus" peint à l'huile sur toile vers 1628-1629 et que nous vous invitons à découvrir ou redécouvrir au Musée Jacquemart-André, 158 bd Haussman à Paris .
Voici cet extrait:
"(...) "Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme" (Lc 24,29) (...) Le soir tombe, la terre et le ciel vont bientôt se confondre, le visible va se dissoudre, et l'invisible respirer dans les ombres mouvantes. Le soir tombe, les bruits alentour vont s'assourdir, le silence affleurer telle une eau grise et lente où les voies ondoieront d'échos inattendus. Le soir tombe, les corps polis par la fatigue vont prendre du repos, se rafraîchir, et ressentir des sensations confuses, troublantes. Le soir tombe, propice à l'écoute et au songe; la conscience peut se mettre en veilleuse, l'attention se délier et vagabonder en toute liberté, épanouie en 'distraction', et muser parmi les ombres. Le soir tombe - 'reste avec nous', toi l'inconnu rencontré en chemin, et qui parle si étrangement. Reste avec nous, dans cet espace indéfini du couchant où tout peut arriver. Il reste, il s'assied avec eux à la table du dîner, il prend le pain, prononce la bénédiction, le partage. 'Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent...' (Lc 24,31). Il a suffi qu'il rompe le pain pour du même coup déchirer la taie qui recouvrait leurs yeux, déchirer le voile qui obstruait leur ouïe, déchirer la gangue qui entourait leur esprit. Déchirer la brume qui leur poissait le coeur. 'Ils le reconnurent...mais il avait disparu de devant eux'. Il a brisé sa propre apparence. Il a brisé toutes les apparences. Il a brisé la peau du visible et la clarté de l'invisible afflue par cette brèche. Le soir bascule dans la nuit, dans un gouffre de nuit. au coeur du gouffre luit le feu limpide d'une aube en train de poindre. Les disciples incrédules sombrent et s'envolent dans ce gouffre, et leur conscience éclate, elle se fait flamme et leur coeur s'aile d'intelligence.

'Et ils se dirent l'un à l'autre: Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures ?'. Le feu couvait en eux, mais ils l'ignoraient. Une voix remuait en eux, mais ils ne l'entendaient pas. Un amour souriait en eux, mais ils ne le voyaient pas. Leur raison tatillonne, armée d'exigences, de principes, de préjugés, tenait ce feu sous le boisseau, cet amour en sommeil. La raison est si sérieuse, elle n'a pas à s'acoquiner avec ce trublion de coeur. La raison est adulte, elle n'a pas de temps à perdre avec ces enfantillages que sont les pressentiments, les prémonitions et autres signaux confus. Le coeur est plein de feux follets, soit, mais il arrive parfois que d'entre ces flammeroles dispersées, inconstantes, une vraie flamme se lève, drue et vibrante tel un éclair, et qu'elle foudroie la raison orgueilleuse qui se prenait pour un chêne, qu'elle embrase la raison paresseuse qui croupissait dans son enclos. Des anges aussi se cachent parmi les farfadets. Des anges d'eau vive et de feu pur. "


 

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