Le Petit Cephalophore

dimanche, juin 18, 2006

Prier avec les Psaumes

Synthèse de la présentation faite par le Père Quinson, lors de la recollection paroissiale du Dimanche 19 Mars.
(Psaume 34 : "Je bénirai le Seigneur en tout temps". Manuscrit du XIIIème siècle.)
Prière paradoxale, les Psaumes sont constitués de mots humains que nous recevons de Dieu comme sa propre Parole. En nous donnant ces mots, Dieu nous apprend à dire ce que nous ne savons pas ou n’osons pas dire. Nous sommes ainsi mis à nus, invités à voir ce que nous ne voulons pas toujours voir. Lire les Psaumes c’est accepter d’être dérangé. Retenons trois étonnements provoqués par leur lecture.
Premier étonnement : les Psaumes nous éduquent à redécouvrir la prière comme un cri. Les Psaumes sont remplis de cris : appels au secours, demandes d’aide, cris de désespoir, cris de joie aussi... Le mot revient avec insistance au point qu’il faut bien admettre qu’il est significatif de ce que sont les psaumes. Le cri peut paraître primaire, on parle de « cri primal » ! Ce sont les enfants qui crient, pas les adultes ! Le cri peut suggérer un manque de maîtrise de nous-mêmes et nous renvoyer ainsi à une déficience... Pourtant Jésus a crié (Hébreux, 5, 7). Ainsi le cri n’est pas juste le fait des enfants ou d’adultes déficients. Le cri est une marque de notre humanité. Les Psaumes sont chargés de tous ces cris. Saint Paul aussi fait allusion à cette réalité du cri. Il évoque un triple « gémissement » (Romains, 8, 22 sq). Dans le Christ, tous nos cris sont assumés. Mais si les Psaumes se font l’écho de tous ces cris ce n’est pas simplement par réalisme. Il y aurait des cris dans la Bible parce qu’il y a des cris dans la vie humaine. Non : ces cris sont l’occasion d’une révélation sur Dieu. Dieu écoute le cri des hommes : « j’ai entendu le cri de mon peuple » dit Dieu à Moïse (Exode, 3, 7). De même Jésus est présenté dans l'Épître aux Hébreux (5, 7) comme « ayant été exaucé ». Ainsi le cri, assumé à l’intérieur de l’histoire d’Israël, nous renvoie non seulement à notre humanité mais désormais à l’histoire du salut. Dieu entend les cris des hommes et veut venir les sauver. Les Psaumes donc présentent à Dieu le cri des hommes. Par Israël et l’Église, tous les cris du monde deviennent prière. Et parce que Dieu écoute le cri de son peuple nous sommes invités à les présenter dans l’Espérance de les voir exaucés.
Deuxième étonnement : une vision souffrante de la vie. La lecture des psaumes donne une vision un peu lourde, grave, souffrante de la vie. La vie n’est-elle que cela ? Pourquoi cette insistance ? Le projet de Dieu est que nous vivions heureux. C’est dans une sorte de « bonté originelle » que tout est créé à l’origine (Genèse,1). Pourtant l’histoire nous le montre : les hommes ne vivent pas en permanence dans l’harmonie, la bonté et le bonheur. Notre capacité à vivre selon le projet de Dieu est « blessée ». Dans cette situation historique que l’Église nomme « péché originel » (Genèse, 2-3) nous risquons d’être mis devant deux tentations. La première consiste à désespérer ; la seconde à nous surestimer. Les Psaumes en nous invitant à un regard lucide sur l’humanité veulent nous faire découvrir le bon chemin : Dieu est la seule puissance de vie capable de traverser toutes les forces du mal et d’en être vainqueur. Voilà ce que nous montrent les Psaumes. Face à tout ce mal, le psalmiste se perçoit parfois comme étant l’« accusé » d’un gigantesque procès. La Bible va jusqu’à personnaliser l’accusateur : c’est "Satan" (en hébreu, shatan = l’accusateur). Les Psaumes nous éclairent : devant l’accusation, la tentation est de nous mettre nous-même à accuser. Si nous entrons dans cette logique, "Satan" a gagné, nous nous mettons à lui ressembler, à notre tour nous accusons. Pour briser ce cercle infernal de l’accusation, il faut s’appuyer sur Dieu et l’accusateur sera mis à mal par ses propres accusations car Dieu est notre défenseur. Dans l’Évangile de Jean, Jésus se présente comme notre «défenseur» et nous promet encore un autre «défenseur», le «paraclet» (l’avocat) c’est-à-dire l’Esprit Saint. Ainsi Dieu est vraiment présenté comme venant au secours de l’homme.
Troisième étonnement : les versets imprécatoires. On maudit dans les Psaumes ! « Je les hais d’une haine parfaite » (Ps., 138, 22) Par prudence pastorale Paul VI a fait retirer du bréviaire trois psaumes et a permis, pour les autres psaumes, d’omettre les versets qualifiés d’imprécatoires. Cette prudence pastorale ne doit pas nous empêcher d’affronter ce que les Psaumes veulent mettre devant nos yeux. Les Psaumes nous montrent la violence qui est en nous. Une puissance animale habite en nous, à la racine de notre être. Ne croyons pas trop vite en être libérés. C’est une consolation de recevoir des Psaumes des mots pour dire ce que nous n’oserions pas dire de nous-mêmes, pour reconnaître cette force qui est en nous et que nous ne maîtrisons pas bien. Mais le spectacle de cette violence n’est pas juste un rappel de la violence qui est en nous. Il nous remet devant la question du salut de Dieu. Nous ne « réglons » pas le problème de la violence par l’éducation ou une politesse raffinée. Les Psaumes obligent à poser la question du salut comme libération donnée par Dieu seul. Le Christ est l’unique sauveur qui, en traversant lui-même la violence des hommes sans qu’elle trouve en lui aucune complicité, nous ouvre un chemin, celui de sa mort et de sa résurrection, duquel nous recevons l’Espérance d’être un jour totalement libérés, « guéris », de la violence. Les Psaumes nous éduquent, en nous disant : « ne nous laissons pas absorber par ce mal extérieur mais aussi intérieur à chacun de nous : le mystère du mal est déjà habité par la présence de Dieu ».
Une Parole d’Espérance. En conclusion, les Psaumes apparaissent comme une école de l’Espérance. Dieu entend le cri des hommes. Il veut nous sauver du mal et de la mort. Il veut nous libérer de la violence qui sans cesse menace de prendre le dessus. Dieu est sauveur, les Psaumes l’attestent.
(Illustration du Psaume 37. Livre des Heures XVème siècle.)


 

Le référenceur des meilleurs sites catholiques francophones
Blogues_Catholiques
Rejoindre la chaîne | Liste | Précédent | Suivant | Hasard | Paroisse francophone St-Blogue
Joindre | Liste | Précédent | Suivant | Au hasard