Le Petit Cephalophore

samedi, mars 01, 2014

Maryse, paroissienne sans domicile

La journée de Maryse est minutieusement organisée, en fonction des jours et heures d’ouverture des lieux d’accueil. Elle commence par le « café des SDF » à Sainte-Marguerite, ou à Saint-Ambroise. Les paroissiens et jeunes bénévoles des grandes Ecoles y servent boissons chaudes et tartines beurrées avec de la confiture (le pain est offert par les boulangers du quartier) à soixante-dix personnes environ. "Dans ce milieu, je ne dirais pas qu’on a des amis, mais des connaissances. C’est un milieu difficile, agressif. Les personnes à qui l’on peut faire confiance sont rares. Ma découverte a été que ce milieu n’est pas solidaire. C’est la survie qui compte." Après, il faut "chercher la douche", de préférence municipale, c'est propre et gratuit. « Ensuite, j’essaie de trouver des journaux gratuits pour me tenir au courant : il faut être au métro à huit heures, après c'est fini. Puis j’attends paisiblement, dehors ou, quand il pleut ou qu’il fait froid, dans une bibliothèque, un centre commercial, à la « pointe du jour » à Saint-Eustache. C'est un lieu de réunion ouvert à tous." A midi, Maryse va aux Restos du cœur « assis » pour déjeuner grâce aux cartes alimentaires distribuées par les associations. Après quoi, elle cherche un coin pour l’après-midi : "Mon grand drame est que du fait que j’ai un caddie, ni la bibliothèque Mitterrand, ni Pompidou ne m’acceptent. Je vais à la Villette, mais le problème est de trouver une table pour écrire (à l’Administration), pour lire, pour trier mes affaires. Au Mac Do, je peux m’asseoir, prendre un verre d’eau. Quelquefois une serveuse me donne une pièce ou m'offre un hamburger. Quelques paroissiens de Saint-Denys m’ont aidée aussi : j’ai pu acheter une recharge de téléphone (20 euros !). C’est essentiel pour garder le lien avec la famille et l’Administration. Le soir, je dors dans des lieux publics ou je me repose dans les fast-food pour rester au chaud. Toute la nuit, je passe de l'un à l’autre. Je dors par à-coups. Je ne suis jamais allongée, toujours assise et jamais dans le noir, toujours sous la lumière artificielle. Ce matin, je me suis endormie en buvant mon chocolat! Je suis complètement déréglée. Le 115, je n'en veux pas. Pour me retrouver à côté d'une fille droguée... Et les hôtels sont pleins de cafards." 
Comment, dans ces conditions, avoir une vie spirituelle ? "Je me suis surprise à ressentir le besoin d’entrer dans les églises. L’architecture, la beauté : vous ne pouvez qu’élever votre âme ! A l'intérieur, vous pouvez entrer en vous-même. A l’extérieur, c’est fini. Maintenant, je vais à la messe tous les dimanches à Saint-Denys : je regarde les autres, je trouve que les gens sont pénétrés, qu’ils sont sincères. Dans cette communauté, il se passe quelque chose. Ce n’est pas un monde fermé. J’ai été frappée par le témoignage d’un séminariste, très personnel. Il disait comment il avait douté. C’est un honneur extraordinaire d’être le récipiendaire de son histoire. C’est extraordinaire, cette confiance en nous! Ça prouve qu’on peut y arriver. Dépasser ses petits problèmes." Son bonheur ? "Ce serait de me promener sans mon caddie dans Paris. Découvrir de petites choses que je n’avais pas remarquées : un heurtoir de porte, un balcon ouvragé." Sa tristesse : "Ne pas pouvoir aller sur la tombe de mon mari, en province".
Maryse n’a pas souhaité être photographiée. Vous la verrez, pourtant, avec son lourd caddie qu'inlassablement elle traîne derrière elle. Mais c'est surtout à son doux sourire que vous reconnaîtrez son courage.
Propos recueillis par Dominique Th.


 

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