Le Petit Cephalophore

jeudi, mars 03, 2016

« Prends ton brancard » : le regard de Jésus sur le handicap


L’Évangile ne livre pas, sur tous les sujets, tout ce que pense Jésus. Il garde pour nous, tel un trésor de la mémoire, ces gestes, ces quelques paroles, cette manière d’être où notre Dieu s’est dit tout entier. Si nous voulons entrer dans le regard de Jésus sur le handicap, il faut donc, avec nos yeux du cœur toujours un peu infirmes, nous efforcer de le regarder agir.

Nous savons cependant que Jésus ne s’est pas contenté de “quelques gestes” et que, jusqu’au profond de la nuit, il est la lumière attirant les hommes blessés (Mc 2, 32-34), la « force qui les guérissait tous » (Lc 6, 19). Mais trois guérisons, à relire avec attention, en disent plus long : celle du paralytique de Capharnaüm (Mc 2, 1-12), celle de l’infirme de Bethesda (Jn 5, 1-5) et celle de la femme courbée (Lc 13, 10-17).

À Capharnaüm, lorsque le paralytique est déposé devant lui — tel un cercueil au fond de la tombe —, d’une manière qui ne devrait jamais cesser de nous frapper Jésus ne se prononce pas d’abord sur le handicap, mais sur le péché, et pour le pardonner. Ensuite seulement, la guérison physique manifeste la guérison spirituelle. Le handicap devient signe de la mort qui frappe le monde du fait du péché mais Jésus se garde, à rebours de la pensée de son temps, de faire de ce lien un rapport de cause à effet : il le dit au sujet de l’aveugle de naissance, « ni lui, ni ses parents n’ont péché » (Jn 9, 3).

La parole spontanée de Jésus dans les deux autres épisodes (« Veux-tu être guéri ? » ; « Femme, te voici délivrée de ton infirmité ! ») dit aussi quelque chose de sa façon de s’adresser directement à la personne, sans gêne ni fausse délicatesse. Preuve, non pas que le handicap n’est rien à ses yeux, mais qu’il n’est rien à côté du mystère de chaque être, et c’est ce mystère qu’il interpelle, dans sa liberté : rencontrant le paralytique de Bethesda entré au Temple après sa guérison, il l’avertit avec vigueur : « Te voilà guéri. Ne pèche plus, il pourrait t’arriver pire encore ». Si Jésus ne rend pas l’homme responsable de son handicap, le handicap ne l’exonère pas de répondre à sa vocation.

L’homme guéri porte encore son brancard, comme l’infirme de Capharnaüm : « Celui qui m’a guéri, c’est lui qui m’a dit : “Prends ton brancard, et marche !” ». Il garde ainsi du handicap sa trace positive : mémorial de la foi de ses compagnons chez Marc ; chez Jean celui de l’amour même du Christ, qui l’a guéri un jour de sabbat. Avec Jésus, le handicap devient ainsi un appel éminent à cette entraide si nécessaire, non pas à la survie, mais à la perfection de tous les hommes. D’où son indignation, quand les hypocrites de la synagogue se scandalisent de la guérison de la femme courbée : « les jours de sabbat, vous aidez bien vos bêtes, et cette fille d’Abraham, ne fallait-il pas la délivrer ? ». Puisse ce cri rendre notre propre communauté toujours plus attentive au handicap, et à ce qu’il révèle : notre besoin d’une entraide aimante.
Père Maxime Deurbeurgue

Illustration : Murillo, le paralytique de Bethesda 


 

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